Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 9, trad Mardrus, 1902.djvu/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de khalife et du khalifat
275

avait dérobés sur la rive, et, se précipitant sur Al-Rachid du haut du tertre, comme un éclair, il saisit la mule par la bride, en s’écriant : « Rends-moi mes effets, et fait cesser cette mauvaise plaisanterie ! » Haroun répondit : « Moi, par Allah ! je n’ai point vu tes habits, et je ne sais de quoi tu veux parler ! » Or, Al-Rachid avait, comme on sait, les joues grasses et gonflées et la bouche très petite. Aussi Khalife, l’ayant regardé avec plus d’attention, crut qu’il était un joueur de clarinette, et lui cria : « Veux-tu, oui ou non, ô joueur de clarinette, me rendre mes effets, ou bien préfères-tu danser sous mes coups de bâton et pisser dans tes vêtements ? »

Lorsque le khalifat vit l’énorme matraque du pêcheur levée sur sa tête, il se dit : « Par Allah ! je ne pourrai guère supporter la moitié d’un coup de ce bâton ! » Et, sans hésiter davantage, il se dépouilla de sa belle robe de satin et, l’offrant à Khalife, lui dit : « Ô homme, prends cette robe, pour remplacer tes effets perdus ! » Et Khalife prit la robe, la tourna dans tous les sens, et dit : « Ô joueur de clarinette, mes effets valent dix fois plus que cette vilaine robe ornementée. « Al-Rachid dit : « Soit ! mais revêts-la tout de même, en attendant que je te retrouve tes effets ! » Et Khalife la prit et s’en vêtit ; mais, l’ayant trouvée trop longue, il prit son couteau, qui était attaché à l’anse du panier à poisson, et, d’un coup, en retrancha tout le tiers inférieur dont il se servit pour se confectionner aussitôt un turban, tandis que la robe lui arrivait à peine jusqu’aux genoux ; mais il la préférait ainsi, pour ne pas avoir les mouvements gênés. Puis il se tourna vers le khalifat et lui