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les mille nuits et une nuit

montèrent sur la terrasse voisine et de là sautèrent sur la terrasse de Khalife, et descendirent chez lui en passant par l’ouverture du haut. Et ils le trouvèrent seul et tout nu, et en train de se donner des coups alternés, avec le fouet, et de pousser en même temps des hurlements et des protestations d’innocence ! Et il se démenait comme un éfrit, en sautant sur ses jambes !

À cette vue, les voisins, stupéfaits, lui demandèrent : « Qu’as-tu donc, Khalife ? Et quelle est l’affaire ? Les coups que nous entendions et tes hurlements ont mis tout le quartier en émoi, et nous ont tous empêchés de dormir ! Et nous voici avec des cœurs battant tumultueusement ! » Mais Khalife leur cria : « Que voulez-vous de moi, vous autres ? Est-ce que je ne suis plus le maître de ma peau, et ne puis-je pas en paix l’accoutumer aux coups ? Est-ce que je sais, moi, ce que peut me réserver l’avenir ? Allez, braves gens ! Vous feriez bien mieux de faire comme moi et de vous administrer ce même traitement ! Vous n’êtes pas plus que moi à l’abri des exactions et des avanies ! » Et, sans plus faire attention à leur présence, Khalife continua à hurler sous les coups qui claquaient sur le coussin, en pensant qu’ils tombaient sur sa propre peau.

Alors les voisins, voyant cela, se mirent à rire tellement qu’ils se renversèrent sur leur derrière, et finirent par s’en aller comme ils étaient venus.

Quant à Khalife, il se fatigua au bout d’un certain temps mais ne voulut point fermer l’œil, par crainte des voleurs, tant il était dans l’embarras de sa fortune nouvelle. Et le matin, avant d’aller à son tra-