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histoire de khalife et du khalifat
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manda du poisson pour un dinar ; et il lui en vendit. Et un esclave vint également à passer et lui prit du poisson pour un second dinar. Et, ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il eût vendu pour cent dinars, ce jour-là ! Alors, triomphant à la limite du triomphe, il prit ses cent dinars, et rentra dans le misérable logis où il demeurait, près du marché aux poissons. Et lorsque vint la nuit, il fut très inquiet de tout cet argent qu’il possédait, et se dit en lui-même, avant de s’étendre sur sa natte pour dormir : « Ô Khalife, tout le monde dans le quartier sait que tu es un pauvre homme, un malheureux pêcheur sans rien entre les mains ! Or, maintenant, te voici devenu possesseur de cent dinars d’or ! Et les gens vont le savoir, et le khalifat Haroun Al-Rachid finira par le savoir également, et, un jour qu’il sera à court d’argent, il enverra chez toi les gardes pour te dire : « J’ai besoin de tant d’argent, et j’ai appris que tu avais chez toi cent dinars. Or, je viens te les emprunter ! » Alors moi je prendrai mon air le plus piteux, et je me lamenterai en me donnant de grands coups sur la figure, et je répondrai : « Ô émir des Croyants, je suis un pauvre, un rien du tout ! Comment aurais-je cette somme fabuleuse ? Par Allah ! celui qui t’a raconté la chose est un insigne menteur ! Je n’ai jamais eu et je n’aurai jamais pareille somme ! » Alors, pour me soutirer mon argent et me faire avouer l’endroit où je l’aurai caché, il me livrera au chef de la police Ahmad-la-Teigne, qui me fera ôter mes habits et me donnera la bastonnade jusqu’à ce que j’avoue et que je lui livre les cent dinars. Or, moi, maintenant, je pense que ce qu’il y a de mieux à