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les mille nuits et une nuit

tête, ô chef des juifs et leur couronne, personne ne m’a dit de mauvaises paroles ni ne m’a froissé ni ne m’a bousculé, bien au contraire ! Mais moi je sortis aujourd’hui de ma maison et m’en allai sur le rivage et jetai, à ta chance et en ton nom, mes filets dans l’eau. Et je les retirai et trouvai dedans ce poisson-ci ! » Et, parlant de la sorte, il ouvrit son panier, tira délicatement le poisson de son lit d’herbes, et le présenta avec ostentation au changeur juif. Et lorsque celui-ci vit ce poisson, il le trouva admirable et s’écria : « Par le Pentateuque et les Dix Commandements ! sache, ô pêcheur, que moi j’étais hier endormi quand je vis en songe la Vierge Marie m’apparaître pour me dire : « Ô Abou-Saada, demain tu auras de moi un cadeau ! » Or, c’est ce poisson-ci qui doit être le cadeau en question, sans aucun doute ! » Puis il ajouta : « Par ta religion, dis-moi, ô Khalife, as-tu déjà montré ou proposé ce poisson à quelqu’un d’autre que moi ? » Et Khalife lui répondit : « Non, par Allah ! je le jure par la vie d’Abou-Bekr le Sincère, ô chef des juifs et leur couronne, personne, hormis toi, ne l’a encore vu ! » Alors le juif se tourna vers l’un de ses jeunes esclaves et lui dit : « Toi, viens ici ! Prends ce poisson et va le porter à la maison, et dis à ma fille Saada de le nettoyer, d’en faire frire la moitié et d’en griller l’autre moitié, et de me tenir le tout au chaud jusqu’à ce que j’aie fini d’expédier les affaires et que je puisse rentrer à la maison ! » Et Khalife, pour renforcer l’ordre, dit au garçon : « Oui, ô garçon, recommande bien à ta maîtresse de ne pas le brûler, et fais-lui voir la belle couleur de ses branchies ! »