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les mille nuits et une nuit

cent dinars dans ta journée. Quant à Abou-Saada le juif, il inaugurera tous les matins sa journée par la vue de ce singe borgne et estropié, et il aura tous les soirs la même vision ; et Allah l’affligera chaque jour d’une nouvelle exaction ou d’une corvée ou d’une avanie ; et, de la sorte, au bout de peu de temps, il sera ruiné et, n’ayant plus rien entre les mains, il sera réduit à la mendicité ! Ainsi donc, ô Khalife, retiens bien ce que je viens de te dire, et tu prospéreras et tu te trouveras dans le droit chemin vers le bonheur ! »

Lorsque Khalife le pêcheur eut entendu ce discours du singe, il répondit : « J’accepte ton conseil, ô roi de tous les singes ! Mais alors que faut-il que je fasse de ce borgne de malheur ? Faut-il le laisser attaché à l’arbre ? Car je suis bien perplexe à son sujet ! Puisse Allah ne le bénir jamais ! » Il répondit : « Lâche-le plutôt, pour qu’il retourne à l’eau. Et lâche-moi également. C’est mieux ! » Il répondit : « J’écoute et j’obéis ! » Et il s’approcha du singe borgne et estropié, et le détacha de l’arbre ; et il rendit aussi la liberté au singe conseiller. Et aussitôt, en deux gambades, ils furent dans l’eau où ils plongèrent et disparurent.

Alors Khalife prit le poisson, le lava, le mit dans le panier au-dessus de l’herbe verte et fraîche, le couvrit d’herbe également, prit le tout sur son épaule, et s’en alla à la ville, en chantant de tout son gosier.

Or, lorsqu’il fut entré dans les souks, les gens et les passants le reconnurent et, comme d’habitude ils plaisantaient avec lui, ils se mirent à lui demander :