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histoire d’abou-kir et d’abou-sir
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deux aucun souci de quoi que ce soit, tant que durera votre voyage avec nous ! »

Le barbier alla donc retrouver le teinturier qui, selon son habitude, continuait à dormir et qui, une fois réveillé, lorsqu’il eut vu près de sa tête toute cette abondance de galettes, de fromage, de pastèques, d’olives, de concombres et de laitance sèche, s’écria émerveillé : « D’où tout cela ? » Abou-Sir répondit : « De la munificence d’Allah (qu’il soit exalté !) » Alors le teinturier se jeta sur toutes les provisions à la fois d’un geste qui voulait les engloutir dans son estomac chéri ; mais le barbier lui dit : « Ne mange pas de ces choses, mon frère, qui peuvent nous être utiles dans le moment de la nécessité, et écoute-moi. Sache, en effet, que j’ai rasé le capitaine ; et je me suis plaint à lui de notre pénurie en provisions ; et il m’a répondu : « Sois le bienvenu, et viens tous les soirs avec ton compagnon dîner avec moi ! » Or, c’est précisément ce soir le premier repas que nous allons prendre avec lui ! » Mais Abou-Kir répondit : « Il n’y a pas de capitaine qui tienne ! Moi j’ai le vertige de la mer, et je ne puis me lever de ma place. Laisse-moi donc apaiser ma faim avec ces provisions-ci, et va, toi seul, dîner avec le capitaine ! » Et le barbier dit : « Il n’y a pas d’inconvénient à la chose ! » Et, en attendant l’heure du dîner, il se mit à regarder manger son compagnon.

Or le teinturier se mit à attaquer et à mordre les bouchées comme le tailleur de pierres qui tranche des blocs dans les carrières, et à les avaler avec le tumulte que fait l’éléphant à jeun depuis des jours