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histoire de khalife et du khalifat
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Parle vite, ou bien ce fouet va s’abaisser sur ton derrière ! » Et le singe répondit : « Ce langage, ô Khalife, n’est pas convenable ! Et tu ferais bien mieux de me parler autrement, et de retenir mes réponses, qui t’enrichiront ! » Alors Khalife jeta le fouet loin de lui, et dit au singe : « Me voici prêt à t’écouter, ô seigneur singe, roi de tous les singes ! » Et l’autre dit : « Sache alors, ô Khalife, que j’appartiens à mon maître le changeur juif Abou-Saada, et que c’est à moi qu’il doit sa fortune et sa réussite dans les affaires ! » Khalife demanda : « Et comment cela ? » Il répondit : « Simplement parce que le matin je suis la première personne dont il regarde le visage, et la dernière dont le soir il prend congé avant de s’endormir ! » Et Khalife, à ces paroles, s’écria : « Le proverbe n’est donc pas vrai qui dit : Calamiteux comme le visage du singe… ? » Puis il se tourna vers le singe borgne, et lui cria : « Tu entends, toi, n’est-ce pas ? Ton visage ce matin ne m’a apporté que de la fatigue et du désappointement ! Ce n’est pas comme ton frère que voici ! » Mais le singe aux beaux yeux dit : « Laisse mon frère tranquille, ô Khalife, et écoute-moi enfin ! Commence donc, pour éprouver la vérité de mes paroles, par m’attacher au bout de la corde qui tient à tes filets, et jette-les à l’eau encore une fois. Et tu verras de la sorte si je te porte bonheur…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.