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les mille nuits et une nuit

bracelets d’or aux poignets et aux chevilles et des pendants d’or aux oreilles ; et il riait en regardant le pêcheur, et clignait des yeux et faisait du bruit avec sa langue.

À cette vue, Khalife s’écria : « C’est donc aujourd’hui la journée des singes ! Louanges à Allah qui a changé en singes les poissons de l’eau ! Je ne suis donc venu ici que pour faire une telle pêche ! Ô journée de poix, voilà ton commencement ! Tu es comme le livre dont on sait le contenu quand on en a lu la première page ! Mais tout cela ne m’arrive qu’à cause du conseil du premier singe ! » Et, disant ces paroles, il courut vers le singe borgne attaché à l’arbre, et leva sur lui son fouet qu’il fit tournoyer d’abord trois fois dans l’air, en criant : « Regarde, ô visage de mauvais augure, ce qui résulte pour moi du conseil que tu m’as donné ! De t’avoir écouté et d’avoir ouvert ma journée avec la vue de ton œil borgne et de ta difformité, me voici condamné à mourir de fatigue et de faim ! » Et il cingla du fouet son dos, et allait recommencer, quand le singe lui cria : « Ô Khalife, plutôt que de me frapper, va d’abord parler à mon compagnon, le singe que tu viens de tirer de l’eau ! Car, ô Khalife, le traitement que tu veux m’infliger ne te servira à rien, au contraire ! Écoute-moi donc, c’est pour ton bien ! » Et Khalife, fort perplexe, lâcha le singe borgne et revint près du second qui le voyait venir en riant de toutes ses dents. Et il lui cria : « Et toi, ô visage de poix, qui donc peux-tu être ? » Et le singe aux beaux yeux répondit : « Comment, ô Khalife ! Ne me reconnais-tu donc pas ? » Il dit : « Non ! je ne te connais pas !