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les mille nuits et une nuit

un morceau de fromage, et lui remplit d’eau sa tasse. Et Abou-Sir prit cela et s’en revint auprès d’Abou-Kir et lui dit : « Prends cette galette de pain, et mange-la avec ce morceau de fromage ; et bois l’eau de cette tasse ! » Et Abou-Kir prit tout cela, et mangea et but. Alors Abou-Sir le barbier reprit son attirail, jeta le torchon sur son épaule, prit la tasse vide à la main, et se mit à parcourir le navire, entre les rangs des passagers accroupis ou étendus, et rasa l’un pour deux galettes, l’autre pour un morceau de fromage ou un concombre ou une tranche de pastèque ou même de la monnaie ; et il fit une si belle recette qu’à la fin de la journée il avait amassé trente galettes, trente demi-drachmes et du fromage en quantité et des olives et des concombres et plusieurs tablettes de laitance sèche d’Égypte, celle qu’on retire des excellents poissons de Damiette. Et, en outre, il avait su si bien gagner la sympathie des passagers, qu’il pouvait leur demander n’importe quoi et l’obtenir. Et même il devint si populaire, que son habileté parvint aux oreilles du capitaine qui voulut se faire raser la tête également par lui ; et Abou-Sir rasa la tête du capitaine et ne manqua point de se plaindre à lui de la dureté du sort et de la pénurie où il se trouvait et du peu de provisions qu’il possédait. Et il lui dit aussi qu’il avait avec lui un compagnon de voyage. Alors le capitaine, qui était un homme à la paume large ouverte, et qui de plus était charmé des bonnes manières et de la légèreté de main du barbier, répondit : « Sois le bienvenu ! Je désire que tous les soirs tu viennes avec ton compagnon dîner avec moi. Et n’ayez plus tous