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le fellah d’égypte et ses enfants blancs
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cela, je fis un retour sur moi-même, et je pensai en mon âme : « N’as-tu pas honte devant Allah le Très-Haut, sous le ciel et en face de la mer, ici même en pays étranger, de te rebeller contre l’Exalté, en forniquant avec cette chrétienne qui n’est ni de ta race ni de ta loi ! » Et, bien que je fusse déjà étendu à côté de la jeune fille qui se blotissait amoureusement contre moi, je dis en mon esprit : « Seigneur, Dieu d’Exaltation et de Vérité, sois témoin que je m’abstiens en toute chasteté de cette chrétienne, fille des Francs ! » Et, pensant ainsi, je tournai le dos à la jeune fille, sans de ma main la toucher ; et je m’endormis, sous la clarté bienveillante du ciel.

Le matin venu, la jeune Franque se leva, sans me dire un mot, et s’en alla fort marrie. Et moi je me rendis à ma boutique où je me remis à vendre mon lin comme d’habitude. Mais, vers midi, la jeune fille, accompagnée de la vieille, vint à passer devant ma boutique, avec une mine fâchée ; et moi derechef, de tout mon être, à en mourir, je la désirai. Car, par Allah ! elle était comme la lune ; et moi je ne pus résister à la tentation ; et je pensai, me gourmandant : « Qui donc es-tu, ô fellah, pour ainsi refréner ton désir d’une telle jouvencelle ? Or çà, toi, es-tu un ascète, ou un soufi, ou un eunuque, ou un châtré ou bien un des morfondus de Baghdad ou de Perse ? N’es-tu point de la race des puissants fellahs de la Haute-Égypte, ou bien ta mère a-t-elle oublié de t’allaiter ? » Et, sans plus, je courus derrière la vieille et, la tirant à part, je lui dis : « Je voudrais bien une seconde rencontre ! » Elle me dit : « Par le Messie, la chose n’est maintenant faisable que