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histoire d’abou-kir et d’abou-sir
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effet, parmi les passagers et l’équipage dont le nombre s’élevait en tout à cent quarante hommes, sans compter le capitaine, il n’y avait point d’autre barbier qu’Abou-Sir ; et lui seul par conséquent pouvait raser convenablement ceux qui avaient besoin d’être rasés. Aussi, dès que le navire eut mis à la voile, le barbier dit à son compagnon : « Mon frère, ici nous sommes en pleine mer, et il faut bien que nous trouvions de quoi manger et boire. Je vais donc essayer d’offrir mes services aux passagers et aux marins, dans l’espoir que quelqu’un me dira : « Viens, ô barbier, me raser la tête ! » Et moi je lui raserai la tête, moyennant un pain ou quelque argent ou une gorgée d’eau, de quoi pouvoir, moi et toi, en tirer notre profit ! » Le teinturier Abou-Kir répondit : « Il n’y a point d’inconvénient ! » et il s’étendit sur le pont, posa sa tête le mieux qu’il put et s’endormit, sans plus, tandis que le barbier s’apprêtait à chercher de l’ouvrage.

Dans ce but, Abou-Sir prit son attirail et une tasse d’eau, jeta sur son épaule un morceau de torchon pour toute serviette, car il était pauvre, et se mit à circuler parmi les passagers. Alors l’un d’eux lui dit : « Viens, ô maître, me raser ! » Et le barbier lui rasa la tête. Et lorsqu’il eut fini, comme le passager lui tendait quelque menue monnaie, il lui dit : « Ô mon frère, que vais-je pouvoir faire ici de cet argent ? Si tu voulais bien me donner plutôt une galette de pain, cela me serait plus avantageux et plus béni dans cette mer ; car j’ai avec moi un compagnon de voyage, et nos provisions sont bien peu de chose ! » Alors le passager lui donna une galette de pain, plus