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la soirée d’hiver d’ishak de mossoul
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caresser et embrasser par moi, sans crainte d’être aperçue par l’aveugle. Et moi, tantôt je la baisais sur les joues et sur les lèvres, tantôt je la chatouillais, tantôt je lui pinçais les seins, et tantôt je la mordillais aux endroits délicats ; et elle riait extrêmement. Puis je me tournai vers le vieil oncle et lui dis : « Veux-tu nous chanter encore quelque chose, ô mon maître ? » Il dit : « Pourquoi pas ? » Et il reprit le luth et dit, en s’accompagnant :

« Ah ! souvent je parcours avec ivresse les charmes de ma bien-aimée, et je caresse de ma main sa belle peau nue !

Tantôt je presse les grenades de sa gorge de jeune ivoire, et tantôt je mords à même les pommes de ses joues. Et je recommence ! »

Alors moi, en entendant ce chant, je ne doutai plus de la supercherie du faux aveugle, et je priai mon amie de se couvrir le visage de son voile. Et le mendiant soudain me dit : « J’ai bien envie d’aller pisser ! Où se trouve le cabinet de repos ? » Alors, moi, je me levai et sortis un moment pour aller chercher une chandelle afin de l’éclairer, et je revins pour l’emmener. Mais lorsque je fus entré, je ne trouvai plus personne : l’aveugle avait disparu avec l’adolescente ! Et moi, quand je revins de ma stupéfaction, je les cherchai par toute la maison, mais ne les trouvai point. Et pourtant les portes et les serrures des portes restaient fermées en dedans, et je ne sus de la sorte s’ils étaient partis en sortant par le plafond ou en entrant dans le sol entr’ouvert et refermé !