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histoire d’abou-kir et d’abou-sir
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un métier aussi honorable et excellent que le mien et le tien, et surtout aussi généralement admis dans toutes les terres et chez les peuples les plus divers, l’exercer avec de grands bénéfices, honneurs et prérogatives. Et de plus tu n’ignores point ce qu’a dit le poète sur le voyage :

« Quitte les demeures de ta patrie, si tu aspires aux grandes choses, et invite ton âme aux voyages.

Sur le seuil des terres nouvelles t’attendent les plaisirs, les richesses, les belles manières, la science et les amitiés choisies !

Et si l’on te dit : « Que de peines, ami, tu vas endurer, et de soucis et de dangers sur la terre lointaine ! » réponds : « Il vaut mieux être mort que vivant, si l’on doit toujours vivre dans le même lieu, insecte rongeur, entre des envieux et des espions ! »

« Ainsi donc, mon frère, nous n’avons rien de mieux à faire que de fermer nos boutiques et de voyager ensemble pour un sort meilleur ! » Et il continua à parler d’une langue si éloquente que le barbier Abou-Sir fut convaincu de l’urgence du départ, et se hâta de faire ses préparatifs qui consistèrent à envelopper dans un vieux morceau de toile rapiécée son bassin, ses rasoirs, ses ciseaux, son cuir à repasser et quelques autres petits ustensiles, puis à aller faire ses adieux à sa famille et à revenir dans la boutique retrouver Abou-Kir qui l’y attendait. Et le teinturier lui dit : « Maintenant il ne nous reste plus qu’à réciter la Fatiha liminaire du Korân, pour nous prouver que nous sommes devenus frères, et pren-