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les mille nuits et une nuit

comme, sous cette nouvelle forme d’animal, il récupère de nouvelles forces et de puissantes vertus, elle se métamorphose elle-même à sa guise, chaque fois, selon l’animal à qui elle a affaire, soit en jument, soit en ânesse, et se fait ainsi copuler par l’âne ou le cheval une quantité innombrable de fois. Après quoi, elle reprend sa forme humaine pour se faire de nouveaux amants et de nouvelles victimes parmi les beaux jeunes gens qu’elle rencontre. Et il lui arrive quelquefois, dans les nuits de ses désirs extrêmes, de se faire monter à tour de rôle par tous les quadrupèdes de l’île, et cela jusqu’au matin ! Et telle est sa vie !

« Or moi, comme je t’aime d’un grand amour, mon enfant, je ne voudrais pas te voir tomber entre les mains de cette enchanteresse inassouvie, qui ne vit que pour ce que je viens de te dire ! Et, comme tu es certainement le plus beau de tous les adolescents débarqués dans cette île, qui sait ce qui va arriver si tu es aperçu par la reine Almanakh !

« Quant aux ânes, aux mulets et aux chevaux qui, en t’apercevant, ont dévalé du haut de la montagne à ta rencontre, ce sont justement les jeunes gens métamorphosés par Almanakh. Et, comme ils te voyaient si jeune et si beau, ils eurent pitié de toi et voulurent d’abord, par leurs signes de tête, te décider à regagner la mer. Puis, comme ils te voyaient obstiné à rester, malgré leurs objurgations, ils t’accompagnèrent jusqu’ici en psalmodiant, dans leur langage, les formules funèbres, comme s’ils accompagnaient un homme mort à la vie humaine !

« Or, mon fils, la vie avec cette jeune reine Alma-