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histoire de fleur-de-grenade…
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nesse et sa piété, répondit : « J’écoute et j’obéis ! » et il fit préparer sur l’heure un navire, muni de ses provisions, de ses agrès, de ses marins et de son capitaine, où le roi Sourire-de-Lune, après les souhaits de l’adieu et les remercîments, s’embarqua en se fiant à sa destinée.

Mais cette destinée lui réservait encore, dans l’invisible, d’autres aventures ! En effet, cinq jours après le départ, une tempête furieuse s’éleva qui désempara et brisa le navire contre une côte rocheuse, et seul Sourire-de-Lune, à cause de son imperméabilité, put se sauver à la nage et gagner la terre ferme.

Et au loin il vit émerger une ville comme une colombe très blanche, qui, située sur le sommet d’une montagne, dominait la mer. Et soudain, du haut de cette montagne, il vit s’approcher et dévaler sur lui, avec une rapidité d’ouragan, un galop forcené de chevaux, de mulets et d’ânes, innombrables comme les grains de sable. Et cette troupe galopante et effarée s’arrêta tout autour de lui. Et tous les ânes, avec les chevaux et les mulets, se mirent à lui faire de la tête des signes évidents qui signifiaient : « Retourne là d’où tu es venu ! » Mais comme il s’obstinait à rester, les chevaux se mirent à hennir et les mulets se mirent à souffler et les ânes se mirent à braire, mais c’étaient des hennissements, des souffles et des braiements de douleur et de désespoir. Et quelques-uns même se mirent notoirement à pleurer, en reniflant. Et ils poussaient du museau délicatement Sourire-de-Lune, immobile, qui se défendait de retourner à l’eau. Puis comme, au lieu de revenir sur ses pas, il allait de l’avant vers la ville, les ani-