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les mille nuits et une nuit

jusqu’à des jours meilleurs ! » Et il le reçut avec bonté, et pourvut à tous ses besoins pendant un long espace de temps.

Or, un jour, le barbier Abou-Sir se plaignait au teinturier Abou-Kir de la dureté du temps et lui disait : « Vois, mon frère ! Je suis loin d’être un barbier maladroit, et je connais mon métier, et ma main est légère sur la tête des clients. Mais comme ma boutique est pauvre et que moi-même je suis pauvre, personne ne vient se faire raser chez moi ! C’est à peine si le matin, au hammam, quelque portefaix ou quelque chauffeur s’adresse à moi pour se faire raser les aisselles ou appliquer de la pâte épilatoire sur les aines ! Et c’est avec les quelques pièces de cuivre que ces pauvres donnent au pauvre que je suis, que j’arrive à me nourrir, à te nourrir et à subvenir aux besoins de la famille que supporte mon cou ! Mais Allah est grand et généreux ! » Le teinturier Abou-Kir répondit : « Tu es vraiment bien naïf, mon frère, d’endurer si patiemment la misère et la dureté du temps, quand il y a moyen de s’enrichir et de vivre largement. Toi tu es dégoûté de ton métier qui ne te rapporte rien, et moi je ne puis exercer le mien dans ce pays rempli de gens malveillants. Il ne nous reste donc plus qu’à délaisser ce pays cruel, et à nous en aller d’ici voyager à la recherche de quelque ville où exercer notre art avec fruit et consolation. D’ailleurs tu sais combien d’avantages on retire des voyages ! Voyager, c’est s’égayer, c’est respirer le bon air, c’est se reposer des soucis de la vie, c’est voir de nouveaux pays et de nouvelle terres, c’est s’instruire, et c’est, quand on a entre les mains