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histoire de fleur-de-grenade…
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le monde noircit devant son visage, et la désolation entra dans son cœur, et les sanglots du désespoir la secouèrent toute. Et, pendant un long temps, on n’entendit dans le palais sous-marin, que les cris de deuil des femmes, et les hoquets de la douleur.

Mais il fallut bientôt songer à remédier à un état de choses si étrange et si désolant. Aussi ce fut l’aïeule qui, la première, sécha ses larmes, et dit : « Ma fille, que ton âme ne s’attriste point outre mesure de cette aventure ; car il n’y a pas de raison pour que ton frère ne finisse point par retrouver ton fils Sourire-de-Lune ! Quant à toi, si tu aimes vraiment ton fils et si tu veilles sur ses intérêts, tu feras bien de retourner à ton royaume pour gérer les affaires et tenir à tous secrète la disparition de ton fils. Et Allah pourvoiera ! » Et Fleur-de-Grenade répondit : « Tu as raison, ma mère. Je vais rentrer ! Mais je t’en prie, oh ! de grâce ! ne cesse point de penser à mon fils, et que personne ne se relâche dans les recherches ! Car s’il lui arrive jamais quelque mal, je mourrai sans recours, moi qui ne vois la vie qu’à travers lui et ne goûte de joie qu’à sa vue ! » Et la reine Sauterelle répondit : « Certes ! ma fille, de tout cœur affectueux ! Sois donc sans crainte à ce sujet, et tranquillise ton esprit tout à fait ! » Alors Fleur-de-Grenade prit congé de sa mère, de son frère et de ses cousines, et, la poitrine bien oppressée et l’âme bien triste, elle regagna son royaume et sa ville…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.