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histoire de fleur-de-grenade…
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ils prirent tous congé de lui et, après avoir embrassé Fleur-de-Grenade et Sourire-de-Lune, ils s’élancèrent par la fenêtre, l’un après l’autre, et plongèrent dans la mer. Et voilà pour eux !

Mais pour ce qui est du petit Sourire-de-Lune, voici ! Sa mère, Fleur-de-Grenade, ne voulut point le confier aux nourrices, et lui donna elle-même le sein jusqu’à ce qu’il eût atteint l’âge de quatre ans, afin qu’il suçât avec son lait toutes les vertus marines. Et l’enfant, d’avoir été si longtemps nourri du lait de sa mère, la native de la mer, devint plus beau de jour en jour et plus robuste ; et, à mesure qu’il avançait en âge, il augmentait en force et en agréments ; de telle sorte que lorsqu’il eut atteint sa quinzième année il devint l’adolescent le plus beau, le plus solide, le plus adroit dans les exercices du corps, le plus sage et le plus instruit d’entre les fils des rois de son temps. Et dans tout l’immense empire de son père, il n’était question chaque jour dans les conversations que de ses mérites, de ses charmes et de ses perfections ; car vraiment il était beau ! Et le poète n’exagérait point, qui de lui disait :

Le duvet adolescent a tracé deux lignes sur ses charmantes joues, deux lignes noires sur du rose, ambre gris sur des perles, ou jais sur des pommes !

Les traits assassins logent sous ses languides paupières, et à chacun de ses regards ils partent et tuent !

Quant à l’ivresse, ne la cherchez pas dans les vins ! Ils ne vous la donneraient pas à l’égal de ses joues rougies par vos désirs et sa pudeur.

Ô broderies, merveilleuses et noires broderies des-