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histoire de fleur-de-grenade…
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lumière de mes yeux, quelles merveilles tu viens de me révéler ! Certes, si jamais tu me quittais, ne fût-ce que pour un instant, je mourrais au même moment ! » Puis il ajouta : « Mais, ô Fleur-de-Grenade, tu m’as dit que tu étais née dans la mer, et que ta mère Sauterelle et ton frère Saleh habitaient dans la mer avec tes autres parents, et que ton père était, de son vivant, roi de la mer ! Or, je ne comprends pas tout à fait l’existence des êtres maritimes, et jusqu’à présent je traitais de radotages de vieilles femmes les histoires que l’on me racontait à ce sujet. Mais puisque tu m’en parles, et que tu es toi-même une native de la mer, je ne doute plus de la réalité de ces faits, et je te prie de mieux m’éclairer sur ta race et les peuples inconnus qui habitent ta patrie. Dis-moi surtout comment il se peut que l’on puisse vivre, agir ou se mouvoir dans l’eau sans étouffer ou se noyer. Car c’est la chose la plus prodigieuse que j’aie entendue de ma vie ! »

Alors Fleur-de-Grenade répondit : « Certes ! je te dirai tout cela, et de cœur amical ! Sache que, grâce à la vertu des noms gravés sur le sceau de Soleïmân ben-Daoûd (sur eux deux la prière et la paix !), nous vivons et marchons au fond de la mer comme on vit et on marche sur la terre ; et nous respirons dans l’eau comme on respire dans l’air ; et l’eau, au lieu de nous étouffer, entretient notre vie, et ne peut même mouiller nos vêtements ; et elle ne nous empêche pas de voir dans la mer, où nous gardons les yeux ouverts sans aucun inconvénient ; et nous avons des yeux si excellents qu’ils percent les profondeurs marines, malgré leur masse et leur étendue,