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les mille nuits et une nuit

l’embrassa, et lui dit : « Ô ma maîtresse, ô reine de ma vie et de mon âme, peux-tu maintenant me dire pourquoi tu as gardé vis-à-vis de moi et de nous tous ce silence inébranlable de jour et de nuit, depuis déjà une année que tu es entrée dans nos demeures, et pourquoi tu t’es décidée à m’adresser la parole aujourd’hui seulement ? » L’adolescente répondit : « Comment n’aurais-je pas gardé le silence, ô roi, alors que, réduite à la condition d’esclave, je me voyais ici devenue une pauvre étrangère au cœur brisé, séparée pour toujours de ma mère, de mon frère, de mes parents, et éloignée de mon pays natal ? » Le roi répondit : « J’entre dans tes peines et je les comprends ! Mais comment peux-tu dire que tu es une pauvre étrangère, alors que dans ce palais tu es la maîtresse et la reine, que tout ce qui s’y trouve est ta propriété, et que moi-même, le roi, je suis un esclave à ton service ! En vérité, ce sont là des paroles qui ne sont pas à leur place ! Et si tu es chagrinée d’être séparée de tes parents, pourquoi ne me l’avoir pas dit afin que je les envoie chercher et le réunisse ici même avec eux ? »

À ces paroles, la belle esclave dit au roi : « Sache donc, ô roi, que je m’appelle Gul-i-anar, ce qui dans la langue de mon pays, signifie Fleur-de-Grenade ; et je suis née dans la mer, où mon père était roi. Lorsque mon père mourut, j’eus un jour à me plaindre de certains procédés de ma mère, qui s’appelle Sauterelle, et de mon frère, qui s’appelle Saleh ; et je jurai que je ne resterais plus dans la mer, en leur compagnie, et que je sortirais sur le rivage et me donnerais au premier homme de la terre qui me plai-