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histoire de fleur-de-grenade…
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dant que vous lui donniez vos soins, l’avez-vous entendue parler ? » Elles répondirent : « Tout ce que nous pouvons dire au roi, c’est que pendant tout le temps que nous étions auprès d’elle à la servir, à la baigner, à la parfumer, à la coiffer et à l’habiller, jamais nous ne l’avons vue remuer les lèvres pour nous dire : « Ceci est bien ! Cela n’est pas bien ! » Et nous ne savons si c’est mépris pour nous ou ignorance de notre langue ou mutisme, mais nous n’avons guère réussi à lui faire proférer une seule parole de merci ou de blâme ! »

À ce discours des esclaves et des matrones, le roi fut à la limite de l’étonnement, et, pensant que ce mutisme était dû à quelque chagrin intime, il voulut essayer de l’en distraire. Dans ce but, il fit assembler dans le pavillon toutes les dames du palais et toutes les favorites afin qu’elle s’amusât et jouât avec elles ; et celles qui savaient jouer des instruments d’harmonie en jouèrent, tandis que les autres chantaient, dansaient ou faisaient les deux choses à la fois. Et tout le monde était dans l’épanouissement, excepté l’adolescente qui continua à rester immobile à sa place, tête basse et bras croisés, sans rire ou parler. Le roi, à cette vue, sentit sa poitrine se rétrécir et ordonna aux femmes de se retirer. Et il resta seul avec l’adolescente.

Là, après avoir encore essayé, mais en vain, d’en tirer une réponse ou une parole, il s’approcha d’elle et se mit en devoir de la déshabiller…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.