Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 9, trad Mardrus, 1902.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de fleur-de-grenade…
155

… Quant à sa croupe bénie, but des souhaits et des désirs, elle était si fastueuse, en vérité, que le marchand lui-même n’avait pu trouver un voile assez grand pour l’envelopper.

Aussi le roi fut-il émerveillé de tout cela à la limite de l’émerveillement ; et il demanda au marchand : « Ô cheikh, à combien cette esclave ? » Il répondit : « Ô mon seigneur, moi je l’ai achetée de son premier maître pour deux mille dinars ; mais, depuis, j’ai voyagé avec elle pendant trois ans pour arriver jusqu’ici, et j’ai dépensé de la sorte pour elle trois autres mille dinars : aussi n’est-ce point une vente que je viens te proposer, mais c’est un cadeau que je t’offre, de moi à toi ! » Et le roi fut charmé du langage du marchand, et le revêtit d’une splendide robe d’honneur et lui fit donner dix mille dinars d’or. Et le marchand baisa la main du roi, et le remercia pour sa bonté et sa munificence, et s’en alla en sa voie.

Alors le roi dit aux intendantes et aux femmes du palais : « Conduisez-la au hammam et soignez-la et, après avoir fait disparaître d’elle les traces du voyage, ne manquez pas de l’oindre de nard et de parfums, et de lui donner, comme appartement, le pavillon dont les fenêtres regardent la mer. » Et les ordres du roi furent exécutés à l’heure et à l’instant.

Or, la ville capitale où régnait le roi Schahramân se trouvait, en effet, située sur le bord de la mer, et son nom était la Ville-Blanche. Et c’est ainsi que les femmes du palais purent conduire, après le bain, l’adolescente étrangère dans un pavillon qui regardait la mer.