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les mille nuits et une nuit

lah le grand-vizir, gendre du roi qui va à la mer faire l’échange des fruits contre des pierreries ! » Et ceux qui ne le connaissaient pas l’arrêtaient au passage et lui demandaient : « Ô vendeur de fruits, à combien la mesure d’abricots ? » Et il répondait à tout le monde : « Ce n’est pas à vendre. C’est acheté d’avance ! » Et il disait cela fort poliment, en faisant ainsi plaisir à tout le monde. Et il arriva de la sorte au rivage, où il vit sortir des flots Abdallah de la Mer, auquel il remit les fruits en échange de nouvelles pierreries de toutes les couleurs. Puis il reprit le chemin de la ville, en passant devant la boutique de son ami le boulanger. Mais il fut bien étonné de voir fermée la porte de la boutique, et il attendit un moment pour voir si son ami n’arriverait pas. Et il finit par demander au boutiquier voisin : « Ô mon frère, qu’est devenu ton voisin le boulanger ? » Il répondit : « Je ne sais au juste ce qu’Allah lui a fait. Il doit être malade dans sa maison ! » Il demanda : « Et où est sa maison ? » Il dit : « Dans telle ruelle ! » Et il prit le chemin de la ruelle indiquée et, s’étant fait montrer la maison du boulanger, il frappa à la porte et attendit. Et, quelques instants après, il vit apparaître à une lucarne du haut, la tête épouvantée du boulanger qui, rassuré en voyant le panier à poisson rempli comme à l’ordinaire de pierreries, descendit ouvrir. Et il se jeta au cou d’Abdallah en l’embrassant avec des larmes aux yeux, et lui dit : « Mais alors tu n’as donc pas été pendu par ordre du roi ? Moi, j’ai appris que tu avais été arrêté comme voleur ; et, craignant d’être arrêté à mon tour comme complice, je me suis hâté de