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histoire d’abdallah de la terre…
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Et le cheikh des bijoutiers, bien tremblant, répondit : « Ô roi du temps, nous savions que cet homme était un pêcheur, un pauvre ; et, le voyant détenteur de ces pierreries et apprenant qu’il en avait encore un panier tout plein dans sa maison, nous avons pensé que c’était là une trop grosse fortune pour que ce pauvre ait pu l’acquérir par les moyens licites ! » À ces paroles, la colère du roi ne fit qu’augmenter et il cria au cheikh des bijoutiers et à ses compagnons : « Ô roturiers impurs, ô hérétiques de mauvaise foi, âmes communes, ne savez-vous donc pas que nulle fortune, quelque soudaine et merveilleuse qu’elle soit, n’est impossible dans la destinée du vrai Croyant ? Ah ! scélérats ! Et vous vous hâtez, comme cela, de condamner ce pauvre sans l’entendre, sans examiner son cas, sous le faux prétexte que cette fortune est trop grosse pour lui ! Et vous le traitez de voleur, et vous le déshonorez parmi ses semblables ! Et pas un instant vous ne pensez qu’Allah l’Exalté, quand il distribue ses faveurs, n’agit jamais avec parcimonie ! Connaissez-vous donc la capacité d’abondance des sources infinies où le Très-Haut puise ses bienfaits, ô sots ignorants, pour juger ainsi, d’après vos calculs mesquins de créatures de boue, de la somme des poids dont est chargée la balance d’une heureuse destinée ? Allez, misérables ! Sortez de ma présence ! Et puisse Allah vous priver à jamais de ses bénédictions ! » Et il les chassa honteusement ! Et voilà pour eux…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.