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les mille nuits et une nuit

ses trois filles en mariage, car nous souhaitons vivement devenir ses gendres ! Et c’est là une chose qui ne peut en rien troubler la tranquillité du royaume ! En tout cas les rois ne reviennent jamais sur leurs promesses ! » Le roi répondit : « Je vous accorde à l’instant la satisfaction de votre désir ! » Et aussitôt il donna l’ordre de faire venir le kâdi et les témoins pour dresser le contrat du mariage de ses trois filles avec les trois savants.

Tout cela !

Or, il advint que, pendant ce temps, les trois filles du roi étaient assises justement derrière un rideau de la salle de réception, et entendaient les paroles. Aussi la plus jeune des trois sœurs se mit-elle à considérer avec attention le savant qui devait lui échoir comme époux, et voici ! C’était un vieux bien ancien, âgé d’au moins cent ans, si ce n’est davantage, avec un reste de cheveux blanchis par le temps, une tête branlante, les sourcils mangés de teigne, les oreilles tombantes et fendues, la barbe et les moustaches teintes et sans vie, des yeux rouges et louches se regardant de travers, des bajoues flasques, jaunes et criblées de creux, un nez comme une grosse aubergine noire, une figure ratatinée comme le tablier d’un savetier, des dents saillantes comme les dents d’un cochon sauvage, et des lèvres pendantes et pantelantes comme les testicules du chameau ; en un mot ce vieux savant-là était quelque chose d’effrayant, une horreur composée de monstrueuses laideurs qui en faisaient l’être certainement le plus difforme de son temps et le plus épouvantable de son époque ; car comment ne l’eût-il pas été avec ces