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» Ô ! qui me dira où s’est perdu mon amour, le maître de cette demeure maintenant solitaire !

« Ici jadis les chambellans vivaient dans le luxe, la félicité et les honneurs ! Et partout étaient tendues les draperies en brocart !

« Hélas ! qui me dira maintenant le sort des maîtres qui l’habitaient ? »

Puis, ayant fini de dire ces vers, le vizir Ibrahim recommença à pleurer, à gémir et à se lamenter, et dit : « On ne peut échapper aux décrets d’Allah, ni ruser avec ce qu’il a tracé d’avance ! » Puis il monta sur la terrasse du palais et y trouva les étoffes de Baâlbek qui étaient attachées par un bout aux créneaux et pendaient jusqu’au bas des murs. Alors il comprit que sa fille avait pris la fuite de cette façon-là et, égarée par la passion et affolée par la douleur, s’en était ainsi allée. En même temps il aperçut deux gros oiseaux, dont l’un était un corbeau et l’autre un hibou ; et, ne doutant plus que ce ne fût là un triste présage, il éclata en sanglots et récita ces vers :

« Je suis venu à la demeure de l’ami dans l’espoir d’éteindre par sa vue la flamme de mon amour et mes tourments.

« Mais l’ami n’était point dans la maison, et je n’ai vu que la sinistre apparition du corbeau et du hibou.

« Et ce spectacle me disait : Tu as opprimé deux êtres qui s’aimaient avec tendresse, en les séparant par la violence.

« À ton tour maintenant d’approcher de tes lèvres la