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qui le poussa rapidement et le fit disparaître aux yeux de l’ermite. Il fut ainsi ballotté par les flots, tantôt soulevé sur le sommet des lames, tantôt engouffré dans leur creux béant, jouet des terreurs de la mer pendant trois jours et trois nuits, jusqu’à ce qu’il fût jeté par les destins au pied de la Montagne-de-la-Mère-qui-a-perdu-son-enfant. Il arriva au rivage, dans l’état d’un poulet pris de vertige, souffrant de la faim et de la soif ; mais il ne tarda pas à trouver près de là des ruisseaux d’eau courante, des oiseaux gazouillants, et des arbres chargés de grappes de fruits, et il put ainsi assouvir sa faim en mangeant de ces fruits et étancher sa soif en buvant de cette eau pure. Après quoi il se dirigea vers l’intérieur de l’île, et aperçut au loin quelque chose de blanc, dont il s’approcha ; et il reconnut que c’était un palais imposant, aux murs escarpés, et il se dirigea vers la porte qu’il trouva fermée. Alors il s’assit et ne bougea plus durant trois jours, au bout desquels il vit enfin la porte s’ouvrir et en sortir un eunuque qui lui demanda : « D’où viens-tu ? Et comment as-tu fait pour venir jusqu’ici ? » Il répondit : « Je viens d’Ispahân ! Je voyageais sur mer avec mes marchandises, quand le navire où j’étais se fracassa, et les vagues me jetèrent dans cette île ! » À ces paroles, l’esclave se mit à pleurer, puis se jeta au cou de Délice-du-Monde et lui dit : « Qu’Allah te conserve en vie, ô visage ami ! Ispahân est mon pays, et là vivait aussi la fille de mon oncle, celle que j’avais aimée dès ma première enfance et à laquelle j’étais extrêmement attaché. Mais un jour nous fûmes attaqués par une tribu plus nombreuse que la nôtre qui