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les mille nuits et une nuit

quées, où les pas se perdaient à la limite des flots. Il comprit alors que la caravane s’était embarquée et avait continué sa route par mer, et il perdit tout espoir de retrouver sa bien-aimée. Alors il fit couler ses larmes et récita ces vers :

« L’amie est si loin maintenant, et ma patience est à bout.

« Comment aller vers elle par les abîmes de la mer ?

« Comment me résigner, alors que mes entrailles sont consumées,

« Et que l’insomnie a remplacé dans mes yeux le sommeil ?

« Du jour qu’il a quitté les demeures et notre terre,

« Mon cœur s’est enflammé. Ah ! par quelle flamme !

« Ô grands fleuves ! Seyhoun, Jeyhoun, et toi Euphrate ! mes larmes coulent comme vous !

« Elles coulent et débordent bien plus que les déluges et les pluies !

« Mes paupières sont heurtées par de tels torrents de larmes qu’elles en sont ulcérées,

« Et mon cœur a pris feu au contact de tant d’étincelles.

« Les hordes de ma passion et de mes désirs sont montées à l’assaut de mon cœur.

« Et l’armée de ma patience est vaincue et en déroute.

« J’ai risqué ma vie sans calculs, pour son amour ;

« Mais le risque de ma vie est le moindre de mes dangers.

« Puissent mes yeux ne point être punis pour avoir vu dans l’enceinte défendue