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les mille nuits et une nuit

ghouls, et commencèrent, en attendant la cuisson, par dévorer tout le pain.

Le lendemain, avant de partir, Jouder remit tout l’or qu’il avait à sa mère, en lui disant : « Garde-le pour toi, et pour en donner à mes frères afin qu’ils ne manquent jamais de rien ! » Et il prit son filet de pêche, et retourna au lac Karoun ; et il allait commencer son travail, quand il vit un second Moghrabin, qui ressemblait au premier, s’avancer de son côté, bien plus richement vêtu, et monté sur une mule plus somptueusement harnachée. Il mit pied à terre et dit : « Le salam sur toi, ô Jouder fils d’Omar ! » Il répondit : « Et sur toi le salam, ô mon seigneur le pèlerin ! » Il dit : « As-tu vu hier venir à toi un Moghrabin monté sur une mule comme celle-ci ! » Mais Jouder, qui eut peur d’être accusé de la mort de l’homme, se dit qu’il valait mieux nier absolument, et répondit : « Non ! je n’ai vu personne ! » Le second Moghrabin sourit et dit : « Ô pauvre Jouder, ne sais-tu donc que je n’ignore rien de ce qui s’est passé ? L’homme que tu as jeté dans le lac, et dont tu as vendu la mule au Juif Schamayâa pour cent dinars, était mon frère ! Pourquoi chercher à nier ? » Il répondit : « Du moment que tu sais tout cela, pourquoi me le demandes-tu ? » Il dit : « Parce que, ô Jouder, j’ai besoin que tu me rendes le même service qu’à mon frère ! » Et il tira de sa besace précieuse de gros cordons de soie qu’il remit à Jouder, en lui disant : « Attache-moi aussi solidement que tu l’as attaché, et jette-moi à l’eau ! Si tu vois sortir mon pied le premier, je serai mort ! Tu prendras alors la mule et tu la vendras au Juif pour cent dinars ! »