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les mille nuits et une nuit

mienne, fais des vœux pour moi, et Allah m’accordera le nécessaire pour te nourrir ! Quant à mes frères, laisse-les recevoir du Souverain Juge la récompense de leur action, et console-toi avec ces paroles du poète :

« Si l’insensé t’opprime, supporte-le patiemment ; et ne compte que sur le Temps pour te venger.

« Mais évite la tyrannie ! car une montagne qui opprimerait une montagne serait à son tour brisée par plus solide qu’elle et volerait en éclats. »

Et Jouder continua à dire de bonnes paroles à sa mère, à la caresser et à l’apaiser, et réussit ainsi à la consoler et à la décider à demeurer chez lui. Et lui, pour gagner leur nourriture, se procura un filet de pêche et se mit à aller tous les jours pêcher soit dans le Nil à Boulak, soit dans les grands étangs, soit dans les autres endroits remplis d’eau ; et il faisait de la sorte un gain tantôt de dix cuivres, tantôt de vingt, tantôt de trente ; et il dépensait le tout sur sa mère et sur lui-même ; et de la sorte ils mangeaient bien et buvaient bien.

Quant à ses deux frères, ils n’avaient rien : ni métier, ni vente, ni achat. La misère, la ruine et toutes les calamités les accablèrent ; et, comme ils n’avaient pas tardé à dissiper ce qu’ils avaient enlevé à leur mère, ils furent réduits à la plus misérable condition et devinrent de malheureux mendiants nus manquant de tout. Aussi ils se virent obligés de venir recourir à leur mère et s’humilier à l’extrême devant elle et se plaindre à elle de la faim qui les