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les mille nuits et une nuit

« Sache qu’il y a, au milieu de la mer qu’on nomme Bahr Al-Konouz, une montagne appelée montagne de Celle-qui-a-perdu-son-enfant. Nul ne peut aborder à cet endroit-là qu’avec des difficultés infinies. Je te conseille donc d’installer là une demeure pour ta fille. »

Le vizir, d’accord sur ce point avec son épouse, résolut de faire construire, sur cette Montagne-de-la-Mère-qui-a-perdu-son-enfant, un palais inaccessible où il confinerait Rose-dans-le-Calice, en ayant soin toutefois de la pourvoir de provisions suffisantes pour une année, renouvelables au commencement de l’année suivante, et de lui donner des gens pour lui tenir compagnie et la servir.

Une fois qu’il eut pris cette résolution, le vizir réunit des menuisiers, des maçons et des architectes, et les envoya à cette montagne, où ils ne manquèrent pas de bâtir un palais inaccessible et tel que l’on n’avait jamais vu son pareil dans le monde.

Alors le vizir fit préparer les provisions du voyage, disposa la caravane, et pénétra durant la nuit chez sa fille et lui ordonna de partir. À cet ordre, Rose-dans-le-Calice ressentit violemment les angoisses de la séparation et ne put, lorsqu’elle fut sortie du palais et qu’elle eut remarqué les préparatifs du voyage, s’empêcher de pleurer des pleurs abondants. Elle eut alors l’idée, pour informer Délice-du-Monde de ce qui se passait en elle en fait d’ardeur amoureuse violente à faire frissonner la peau, fondre les rochers les plus durs et déborder les larmes, d’écrire sur la porte les vers suivants :