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les mille nuits et une nuit

épouvantable. Quant au Juif Azaria, il répondit à son client : « Dans ce cas, je veux bien te céder, pour ces bracelets, mon propre âne qui est là attaché à la porte ! Ne l’épargne pas, sinon il prendra l’habitude de la paresse ; et charge son dos lourdement, car il est solide et jeune ! » Puis, le marché conclu, le vendeur d’eau emmena l’âne Ali, tandis que celui-ci pensait en son âme : « Ya Ali, ton maître est prêt à charger ton dos d’un bât de bois dur et de grosses outres pesantes ; et il te fera faire dix longues courses, ou plus, par jour ! Sans doute tu es abîmé sans recours ! »

Lorsque le vendeur d’eau eut conduit l’âne à sa maison, il dit à son épouse de descendre à l’écurie lui donner sa ration. Et l’épouse, qui était jeune et fort agréable à regarder, prit la ration de fèves et descendit chez l’âne Ali pour la lui mettre au cou, dans le sac des rations. Mais l’âne Ali, qui la regardait du coin de l’œil depuis un moment, se mit soudain à renifler l’air avec force et lui donna un coup de tête qui la renversa sur l’auge, la robe retournée, la saillit en lui caressant la figure avec ses grosses lèvres frémissantes, et étala sa marchandise d’âne, considérable héritage des aïeux ânes.

À cette vue, l’épouse du vendeur d’eau poussa des cris si aigus que toutes les voisines accoururent les premières à l’écurie et, voyant le spectacle, se hâtèrent de repousser l’âne Ali de dessus la poitrine de la renversée. Et voici qu’à son tour arriva le mari qui demanda à la renversée : « Qu’as-tu ? » Elle lui cracha à la figure et lui dit : « Ah ! fils d’adultérins, tu n’as su trouver dans tout Bagdad, pour l’acheter,