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dalila-la-rouée… (ali vif-argent…)
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monta et lui dit dans l’oreille : « Tu vas remplacer la mule ! » Et il le fit sortir du palais enchanté qui disparut aussitôt et lui fit prendre le chemin de la boutique, où il ne tarda pas à arriver. Il ouvrit sa boutique, attacha l’âne Ali à l’endroit où la veille était attachée la mule, et se mit à s’occuper de ses balances, de ses poids, de son or et de son argent. Et l’âne Ali, qui conservait au-dedans de sa peau toutes ses facultés d’homme en tant que jugement et sensations, à l’exception de la parole seulement, fut obligé, pour ne point mourir de faim, de moudre entre ses dents les fèves sèches de sa ration ; mais, pour se consoler, il déchargeait son humeur noire par des séries de pets retentissants à la figure des clients.

Sur ces entrefaites, un jeune marchand, ruiné par les revers du temps, vint trouver le Juif usurier Azaria et lui dit : « Je suis ruiné, et il faut pourtant que je gagne ma vie et nourrisse mon épouse. Voici que je t’apporte les bracelets d’or de mon épouse, le seul et dernier bien qui nous reste, pour qu’en échange tu me donnes leur valeur en argent, afin que je puisse m’acheter quelque mulet ou quelque âne et exercer le métier de vendeur d’eau d’arrosage ! » Le Juif répondit : « Comptes-tu faire peiner l’âne que tu vas acheter et lui rendre la vie malheureuse s’il refuse de marcher ou de porter de grosses charges d’eau ? » Le futur ânier répondit : « Par Allah ! s’il refuse de marcher ou de travailler, je lui enfoncerai mon bâton dans les parties sensibles, et le forcerai à faire la besogne ! » Tout cela ! Et l’âne Ali entendit les paroles et, en manière de protestation, lança un pet