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dalila-la-rouée… (ali vif-argent…)
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« Ô poissons qui frétillez dans l’huile heureuse de vous contenir !

« Ô repas des délicats ! »

Or, pendant que Zoraïk chantait son cri de la sorte, la femme enceinte poussa soudain un grand cri, tandis qu’un flot de sang s’échappait de dessous ses vêtements et inondait la boutique, et gémit douloureusement : « Aï ! aï ! ouye ! ouye ! le fruit de mes entrailles ! Aï ! mon dos se brise ! Ah ! mes flancs ! Ah ! mon enfant ! »

À cette vue, l’ânier cria à Zoraïk : « Tu vois, ô barbe calamiteuse ! Je te l’avais dit ! Ton mauvais vouloir à satisfaire son désir l’a fait avorter ! Tu en es responsable devant Allah et son mari ! » Alors Zoraïk, un peu effrayé de cet accident et craignant d’être sali par le sang qui s’échappait de la femme, recula jusqu’au fond de la boutique, en perdant de vue un instant sa bourse suspendue à l’entrée. Alors Vif-Argent voulut profiter de ce court moment pour s’emparer de la bourse ; mais à peine en avait-il approché sa main qu’un vacarme extraordinaire de clochettes, de grelots et de ferrailles retentit dans tous les coins de la boutique et avertit de la tentative Zoraïk qui accourut et qui, apercevant la main tendue de Vif-Argent, comprit d’un coup d’œil le tour qu’on lui voulait jouer, saisit une grosse plaque de plomb et la lança dans le ventre de Vif-Argent en lui criant : « Ah ! oiseau de gibet ! attrape ça ! » Et le gâteau de plomb fut envoyé avec une telle violence qu’Ali roula au milieu de la rue, empêtré dans ses serviettes, dans le sang et dans le lait des gésiers