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les mille nuits et une nuit

et a le temps d’empêcher le vol de sa bourse. Pour cela il n’a qu’à se baisser pour ramasser un gros morceau de plomb d’une provision de gros morceaux amassés à ses pieds, et à le lancer de toutes ses forces contre le voleur en lui abîmant ainsi un bras ou une jambe, ou même en lui brisant le crâne. Ainsi donc, ya Ali, je te conseille l’abstention, sinon tu ressemblerais à ces gens qui suivent un enterrement et se lamentent sans même savoir le nom du mort. Tu ne peux lutter avec un coquin de cette taille. Et, à ta place, j’oublierais Zeinab et le mariage avec Zeinab ; car l’oubli est le commencement du bonheur ; et celui qui a oublié une chose peut désormais vivre sans elle ! »

Lorsque Ali Vif-Argent entendit ces paroles du prudent Hassan-la-Peste, il s’écria : « Non, par Allah ! je ne pourrai jamais me résoudre à oublier cette jouvencelle aux yeux sombres, à la sensibilité extrême, au tempérament extraordinaire ! Ce serait un opprobre pour un homme comme moi ! Il me faut donc aller tenter d’enlever cette bourse, et obliger de la sorte le vieux bandit à consentir à mon mariage, par l’échange de la jeune fille contre la bourse enlevée ! » Et à l’instant il alla acheter des habits comme en portent les jeunes femmes, et s’en vêtit, après s’être allongé les yeux de kohl et teint les doigts de henné. Après quoi il ramena modestement le voile de soie sur son visage, et se mit à faire quelques pas d’essai, en se balançant comme les femmes, et y réussit à merveille. Mais ce ne fut point tout…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.