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dalila-la-rouée… (ali vif-argent…)
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yeux sous sa voilette, et lançant les regards destructeurs des cœurs, avec des sourires aux uns, des promesses tacites aux autres, des coquetteries, des minauderies, des agaceries, des réponses avec les yeux, des demandes avec les sourcils, des assassinats avec les cils, des réveils avec les bracelets, de la musique avec ses grelots et du feu dans toutes les entrailles, jusqu’à ce qu’elle eût rencontré, devant la devanture d’un marchand de kenafa, Ali Vif-Argent lui-même qu’elle reconnut à sa beauté ! Alors elle s’approcha de lui et, comme par inadvertance, lui envoya un coup d’épaule qui le fit trébucher, et, comme formalisée qu’on l’eût touchée elle-même, elle lui dit : « Vivent les aveugles, ô clairvoyant ! »

À ces paroles, Ali Vif-Argent se contenta de sourire, en voyant la belle adolescente dont le regard le transperçait déjà d’outre en outre, et répondit : « Ô ! que tu es belle, ô jouvencelle ! à qui appartiens-tu ? » Elle ferma à demi ses yeux magnifiques sous la voilette, et répondit : « À tout être beau qui te ressemble ! » Vif-Argent demanda : « Es-tu mariée ou vierge ? » Elle répondit : « Mariée, pour ta chance ! » Il dit : « Alors sera-ce chez moi ou chez toi ? » Elle répondit : « J’aime mieux chez moi ? Sache que je suis mariée à un marchand ; et je suis la fille d’un marchand. Et c’est aujourd’hui la première fois que je peux enfin sortir de la maison, vu que mon époux vient de s’absenter pour une semaine. Or moi, dès qu’il fut parti, je voulus me réjouir, et je dis à ma servante de me cuisiner des mets très appétissants. Mais comme les mets les plus appétissants ne sauraient être délicieux qu’en la société des amis, je