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les mille nuits et une nuit

ces gens qui n’aiment pas l’eau ! » Et comme je m’appesantissais dans mes pensées, je vis soudain une grande poussée se faire dans le souk et des gens courir dans une certaine direction. Alors moi, dont le métier est d’être là où se trouve la foule, je courus de toutes mes forces, avec mon outre sur le dos ; et je suivis le mouvement. Et je vis alors un cortège splendide composé d’hommes qui marchaient sur deux rangs, portaient de longs bâtons à la main, étaient coiffés de grands bonnets enrichis de perles, étaient habillés de beaux burnous en soie, et laissaient pendre à leur côté de beaux glaives incrustés richement. Et à leur tête marchait un cavalier à l’aspect terrible, devant qui s’inclinaient toutes les têtes jusqu’à terre. Alors moi je demandai : « Pour qui ce cortège ? Et qui est ce cavalier ? » On me répondit : « On voit bien, à ton accent égyptien et à ton ignorance, que tu n’es point de Baghdad ! Ce cortège est celui du mokaddem Ahmad-la-Teigne, le chef de police de la Droite du khalifat, celui qui est chargé de maintenir l’ordre dans les faubourgs. Et c’est lui-même que tu vois à cheval. Il est très honoré, et a des appointements de mille dinars par mois, exactement comme son collègue Hassan-la-Peste, chef de la Gauche ! Et chacun de leurs hommes touche cent dinars par mois ! Ils viennent justement de sortir du Diwân, et vont rentrer chez eux prendre leur repas de midi ! »

« Alors moi, ô mon maître, je me mis à chanter mon cri, selon le mode égyptien, exactement comme tu m’as entendu le faire tout à l’heure, en m’accompagnant au rythme de mes gobelets retentissants.