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dalila-la-rouée… (ali vif-argent…)
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boire ne paient pas ! Car l’eau est à Allah ! Je vis donc combien le métier était mauvais, aux réponses des premiers auxquels je fis mes offres chantées. En effet, comme je tendais ma tasse à l’un d’eux, il me répondit : « M’as-tu donc donné à manger, pour m’offrir à boire ! » Moi, je continuai alors mon chemin, en m’étonnant du procédé et de ce mauvais présage de début, et je tendis la tasse à un second ; mais il me répondit : « Le gain est sur Allah ! passe ton chemin, ô porteur ! » Moi, je ne voulus point me décourager, et continuai à cheminer à travers les souks, en m’arrêtant devant les boutiques bien achalandées, mais personne ne me fit signe de verser, ni ne voulut se laisser tenter par mes offres et le tintement de mes gobelets de cuivre. Et je restai de la sorte jusqu’à midi sans avoir gagné de quoi m’acheter une galette de pain et un concombre. Car, ô mon maître, la destinée du pauvre l’oblige à avoir faim quelquefois. Mais la faim, ô mon maître, est moins dure que l’humiliation ! Et le riche éprouve bien des humiliations, et les supporte moins bien que le pauvre qui n’a rien à perdre ni à gagner. Ainsi moi, par exemple, si je me suis formalisé de ton emportement, ce n’est point à cause de moi, mais à cause de mon eau qui est un don excellent d’Allah ! Mais toi, ô mon maître, ton emportement contre moi est dû à des motifs qui te touchent dans ta personne !

« Donc moi, en voyant mon séjour à Baghdad commencer d’une manière si attristante, je pensai en mon âme : « Mieux eût valu pour toi, ô pauvre, mourir dans une prison de ton pays qu’au milieu de