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les mille nuits et une nuit

héritage par le trafic et le commerce ! » Et aussitôt j’allai trouver divers prêteurs qui me confièrent des marchandises. Je chargeai ces marchandises sur mes chameaux et mon mulet, et partis trafiquer au Hedjaz, au temps du pèlerinage de la Mecque. Mais, ô mon maître, le pauvre ne s’enrichit jamais ; et s’il s’enrichit, il meurt ! Moi je fis un trafic si malheureux qu’avant la fin du pèlerinage je perdis tout ce que je possédais, et fus obligé de vendre mes chameaux et mon mulet pour subvenir au plus pressé. Et je me dis : « Si tu retournes au Caire, tes créanciers vont te saisir et te jeter en prison ! » Alors moi je me joignis à la caravane de Syrie, et j’allai à Damas, à Alep et de là à Baghdad.

« Une fois arrivé à Baghdad, je m’informai du chef de la corporation des porteurs d’eau et me rendis auprès de lui. Je commençai, en bon musulman, par lui réciter le chapitre liminaire du Korân, et lui souhaitai la paix. Alors il m’interrogea sur mon état, et je lui racontai tout ce qui m’était arrivé. Et lui, sans tarder, il me donna une camisole, une outre et deux tasses pour que je pusse gagner ma vie. Et je sortis sur la voie d’Allah un matin, avec mon outre sur le dos, et me mis à circuler dans les divers quartiers de la ville, en chantant mon cri, comme les porteurs d’eau du Caire. Mais, ô mon maître, le pauvre reste pauvre, puisque c’est sa destinée !

« En effet, je ne tardai pas à voir combien grande était la différence entre les habitants de Baghdad et ceux du Caire. À Baghdad, ô mon maître, les gens n’ont pas soif ; et ceux qui, par hasard, se décident à