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les mille nuits et une nuit

pouse de ton ancien directeur des pigeons ! » Il dit : « En vérité tu es une astucieuse pleine d’expédients. Et désormais tu seras appelé Dalila-la-Rouée ! » Puis il lui dit : « Peux-tu au moins me dire dans quel but tu as joué tous ces tours à ces gens que voici, et nous as donné tant de tracas en fatiguant nos cœurs ? » Alors Dalila se jeta aux pieds du khalifat, et répondit : « Moi, ô émir des Croyants, je n’ai point agi de la sorte par cupidité ! Mais, ayant entendu parler des anciens expédients et des tours joués autrefois dans Baghdad par les chefs de Ta Droite et de Ta Gauche, Ahmad-la-Teigne et Hassan-la-Peste, j’ai eu l’idée à mon tour de faire comme eux, sinon de les dépasser, afin de pouvoir obtenir de notre maître le khalifat les appointements et la charge de mon défunt mari, le père de mes pauvres filles ! »

À ces paroles, l’ânier se leva vivement et s’écria : « Qu’Allah juge et se prononce entre moi et cette vieille ! Elle ne s’est pas seulement contentée de me voler mon âne, mais elle a poussé le barbier moghrabin que voici à m’arracher mes deux molaires du fond et à me cautériser les deux tempes au fer rougi des clous ! » Et le Bédouin aussi se leva et s’écria : « Qu’Allah juge et se prononce entre moi et cette vieille ! Elle ne s’est pas seulement contentée de m’attacher au poteau à sa place et de me voler mon cheval, mais elle m’a occasionné une envie rentrée, en m’empêchant de satisfaire mon désir sur les beignets farcis au miel ! » Et le teinturier, le barbier, le jeune marchand, le capitaine Fléau, le juif et le wali se levèrent chacun à son tour en demandant à Allah la réparation des dommages à