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histoire de dalila-la-rouée…
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ils enfoncèrent la porte et se précipitèrent d’abord dans le vestibule où ils virent le jeune marchand complètement nu, et essayant de cacher et de contenir dans ses deux mains sa marchandise à découvert. Et le teinturier lui cria : « Ah ! fils de putain, où est ta mère, la calamiteuse ? » Il répondit : « Il y a longtemps que ma mère est morte. Quant à la vieille dont c’est ici la maison, elle n’est que ma future belle-mère. » Et il raconta au teinturier, à l’ânier et à toute la foule son histoire dans tous ses détails. Et il ajouta : « Quant à celle que je dois examiner, elle est là derrière la porte ! » À ces paroles, on enfonça la porte et l’on trouva, derrière, l’effarée jouvencelle, toute nue, sauf la chemise seulement, qui essayait de recouvrir le plus bas possible la nudité de ses cuisses de gloire. Et le teinturier lui demanda : « Ah ! fille adultérine, où est ta mère, l’entremetteuse ? » Elle répondit, bien honteuse : « Ma mère est bien morte depuis longtemps. Quant à la vieille femme qui m’a conduite ici, c’est une sainte au service de mon seigneur le cheikh Multiplicateur ! »

À ces paroles, tous les assistants, et le teinturier, malgré sa boutique détruite, et l’ânier malgré son âne perdu, et le jeune marchand malgré la perte de sa bourse et de ses habits, se mirent à rire tellement qu’ils se renversèrent tous sur le derrière !

Après quoi, ayant compris que la vieille s’était jouée d’eux, les trois dupes résolurent de se venger d’elle ; et l’on commença par donner des habits à l’effarée jouvencelle qui s’en revêtit et se hâta de rentrer à sa maison où nous la retrouverons bientôt, au retour de voyage de son époux.