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histoire de wardân le boucher
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… Moi, je fus stupéfait. Et je dis en mon âme : « C’est le moment ou jamais de saisir l’occasion ! » Et d’un coup d’épaule j’enfonçai la porte, et me précipitai dans la salle en brandissant mon couteau de boucher si aiguisé qu’il pouvait atteindre l’os avant la chair.

Je me jetai résolument sur l’énorme singe dont pas un muscle ne bougeait, tant ses exercices l’avaient anéanti, je lui appuyai brusquement mon couteau sur la nuque et, du coup, je lui séparai la tête du tronc. Alors la force vitale qui était en lui sortit de son corps avec grand fracas, râles et convulsions, tant que l’adolescente ouvrit soudain les yeux et me vit le couteau plein de sang à la main. Elle jeta alors un cri de terreur tel que je crus un moment la voir expirer morte sans retour. Elle put pourtant, voyant que je ne lui voulais pas de mal, recouvrer ses esprits peu à peu et me reconnaître. Alors elle me dit : « Est-ce ainsi, ô Wardân, que tu traites une cliente fidèle ? » Je lui dis : « Ô l’ennemie de toi même ! N’y a-t-il donc plus d’hommes valides pour que tu aies recours à de pareils expédients ? » Elle me répondit : « Ô Wardân, écoute d’abord la cause de tout cela et peut-être tu m’excuseras !

« Sache, en effet, que je suis la fille unique du grand-vizir. Jusqu’à l’âge de quinze ans je vécus tranquille dans le palais de mon père ; mais, un jour, un nègre noir m’apprit ce que j’avais à apprendre et me prit ce qu’il y avait en moi à prendre. Or, tu dois savoir qu’il n’y a rien de tel qu’un nègre pour enflammer notre intérieur, à nous, les femmes, surtout quand le terrain a senti cet engrais noir la première fois. Aussi ne t’étonne pas de savoir que mon terrain