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les mille nuits et une nuit

en voyant un matin le portefaix de la jeune femme passer seul devant la boutique. Il l’arrêta, lui mit dans la main une tête de mouton excellente au possible, et lui dit : « portefaix, recommande bien au maître du four de ne pas trop brûler la tête, sans quoi elle perdrait de sa saveur ! » Puis il ajouta : « Ô portefaix, tu me vois bien perplexe au sujet de cette adolescente qui te prend tous les jours à son service ! Qui est-elle et d’où vient-elle ? Que fait-elle de ces œufs de mouton ? Et surtout pourquoi ses yeux et ses traits sont-ils si fatigués ? » Il répondit : « Par Allah ! tu me vois à son sujet tout aussi perplexe que toi ! Ce que je sais, je te le dirai tout de suite, puisque ta main est généreuse aux pauvres comme moi. Voici ! Une fois tous ses achats terminés, elle prend encore, chez le marchand nazaréen du coin, pour un dinar ou plus d’un vieux vin précieux, et m’emmène, ainsi chargé, jusqu’à l’entrée des jardins du grand-vizir. Là elle me bande les yeux avec son voile, me prend la main et me conduit jusqu’à un escalier dont elle descend les marches avec moi, pour ensuite me décharger de ma hotte, me donner un demi-dinar pour ma peine et une hotte vide à la place de la mienne, et me reconduire, les yeux toujours bandés, jusqu’à la porte des jardins, où elle me donne congé jusqu’au lendemain. Et moi je n’ai jamais pu savoir ce qu’elle faisait de cette viande, de ces fruits, de ces amandes, de ces chandelles et de toutes les choses qu’elle me faisait porter jusqu’à cet escalier souterrain ! » Le boucher Wardân répondit : « Tu ne fais qu’augmenter ma perplexité, ô portefaix ! » Et, comme d’autres clients arri-