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histoire d’ibn al-mansour
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« Ô demeure ! je m’arrête à ton seuil pour pleurer avec tes pierres au souvenir de l’ami qui n’est plus.

Où est-il, l’hôte généreux dont l’hospitalité s’étendait largement sur les voyageurs ?

Où sont les amis pleins de gaieté qui t’habitaient, palais, au temps de ta splendeur ?

Fais comme eux, toi qui passes ; mais du moins n’oublie pas les bienfaits dont les traces existent encore malgré les ruines du temps ! »

Pendant que je me laissais aller ainsi à exprimer la tristesse qui était en moi, parut un esclave noir qui s’avança vers moi et me dit, sur un ton violent : « Tais-toi, vieux cheikh ! Puisses-tu avoir ta vie coupée ! Pourquoi dis-tu des choses funèbres à notre porte ? » Je répondis : « J’improvisais simplement des vers à la mémoire d’un ami d’entre mes amis qui habitait cette maison et s’appelait Jobaïr, de la tribu des Bani-Schaïbân ! » L’esclave répliqua : « Le nom d’Allah sur lui et autour de lui ! Prie pour le Prophète, ô cheikh ! Mais pourquoi dis-tu que l’émir Jobaïr est mort ! Glorifié soit Allah ! Notre maître est toujours en vie, au sein des honneurs et des richesses ! » Moi je m’écriai : « Mais pourquoi donc cet air de tristesse épars sur la maison et le jardin ? » Il répondit : « À cause de l’amour ! L’émir Jobaïr est en vie, mais c’est comme s’il était déjà au nombre des morts ! Il est étendu sur son lit sans mouvement ; et quand il a faim il ne dit jamais : « Donnez-moi à manger ! » et quand il a soif il ne dit jamais : « Donnez-moi à boire ! »

À ces paroles du nègre, je dis : « Va vite, par Allah