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les mille nuits et une nuit

Pendant que je m’essuyais le front et soufflais de chaleur, j’entendis venir du jardin une voix de femme qui chantait ces paroles sur un air plaintif :

« Depuis le jour où m’a quittée mon jeune daim, mon cœur est devenu l’asile de la douleur.

Est-ce donc, comme il le prétend une faute si lourde de se laisser aimer par les jeunes filles ? »

La voix qui chantait était si belle et je fus tellement intrigué par ces paroles que je dis en mon âme : « Si la propriétaire de cette voix est aussi belle que ce chant me le donne à croire, elle est une bien merveilleuse créature !» Alors moi je me levai et m’approchai de l’entrée dont je relevai tout doucement le rideau ; et petit à petit je regardai, de façon à ne pas donner l’éveil. Et j’aperçus, au milieu du jardin, deux adolescentes dont l’une semblait être la maîtresse et l’autre l’esclave. Et toutes deux étaient extraordinaires de beauté. Mais la plus belle était celle justement qui chantait ; et l’esclave l’accompagnait du luth. Et moi je crus voir la lune elle-même descendue dans le jardin, à son quatorzième jour ; et je me rappelai, à son sujet, ces vers du poète :

Babylone la voluptueuse brille dans ses yeux qui tuent par leurs cils recourbés plus sûrement que les grandes épées et le fer trempé des lances.

Quand retombent ses cheveux noirs sur son cou de jasmin, je me demande si c’est la nuit qui vient la saluer !

Mais sur sa poitrine sont-ce deux petites gourdes