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les mille nuits et une nuit

ses mamalik qui se hâta d’apporter un flacon rempli de sorbet aux pommes, et l’offrit à Al-Rachid, qui cette fois accepta et se mit à boire avec beaucoup de plaisir.

Lorsque la boisson eut eu raison de leur cerveau, l’étrange khalifat, qui tenait à la main une petite baguette d’or, frappa trois coups sur la table, et aussitôt les deux battants d’une large porte s’ouvrirent au fond de la salle pour livrer passage à deux nègres qui portaient sur leurs épaules un siège d’ivoire sur lequel était assise une jeune esclave blanche, au visage brillant comme le soleil. Ils vinrent déposer le siège en face du maître, et allèrent se tenir debout derrière, dans une pose immobile. Alors l’esclave prit un luth indien, l’accorda, et préluda par vingt-quatre modes différents avec un art qui ravit l’esprit des auditeurs. Puis elle revint au premier mode, et chanta :

« Comment peux-tu, loin de moi, te consoler, alors que mon cœur est dans le deuil de ton absence ?

La destinée a séparé les amants, et la demeure est vide qui résonnait des chants du bonheur ! »

Lorsque l’étrange khalifat eut entendu ces vers chantés, il poussa un grand cri, déchira sa belle robe constellée de diamants, sa chemise et ses autres vêtements, et tomba évanoui. Aussitôt les mamalik s’empressèrent de jeter sur lui une couverture de satin, mais pas assez vite pour que le khalifat, Giafar et Massrour n’eussent le temps de remarquer que le corps du jeune homme portait de larges cica-