« Y a-t-il quelqu’un, ô émir des Croyants, qui ignore l’existence de la lune ? » Le khalifat se tourna alors vers l’adolescente et lui demanda : « Comment t’appelles-tu, jeune fille ? » Elle répondit : « Fraîcheur-des-Yeux, ô émir des Croyants ! » Il dit : « Eh bien, Fraîcheur-des-Yeux, chante-nous quelque chose ! » Et elle chanta :
« Sait-il aimer, celui qui ne porte l’amour que sur sa langue et loge l’indifférence dans son cœur ?
Sait-il aimer, celui dont le cœur est un rocher alors que son visage feint la passion ?
On m’a dit que l’absence guérit les tortures de l’amour ! Mais, hélas ! l’absence ne nous a point guéri !
On nous a dit de revenir près de l’objet aimé ; mais le remède est sans vertu, puisque l’aimé méconnaît notre amour ! »
Le khalifat, émerveillé de sa voix, lui demanda : « Et de qui cette chanson, ô Fraîcheur-des-Yeux ? » Elle dit : « Les vers sont d’El-Kherzaï et la musique est de Zarzour. » Mais Abou-Issa, que l’émotion suffoquait, dit à son frère : « Permets-moi de lui répondre, ô émir des Croyants ! » Le khalifat donna son approbation et Abou-Issa chanta :
« Un corps amaigri se trouve dans mes vêtements, et un cœur torturé dans mon sein !
Si j’ai tu mon amour sans le montrer dans mes yeux, c’est par crainte d’offenser la lune qui en est l’objet ! »