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le parterre… (abou-nowas et le bain…)
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non seulement à achever le poème mais à faire un second vers qui donnât la rime ; et il se sentait bien malheureux, et il transpirait en répétant : « Dans le bassin, j’ai vu l’argent candide… » et il ne parvenait point à sortir d’embarras. Alors il se décida à faire venir le poète Abou-Nowas, et lui dit : « Voyons si toi tu peux arriver à composer un court poème dont le premier vers serait : « Dans le bassin j’ai vu l’argent candide… » Alors Abou-Nowas, qui, lui aussi, avait rôdé aux alentours du bassin et remarqué toute la scène en question, répondit : « J’écoute et j’obéis ! » Et, à la stupéfaction du khalifat, il improvisa tout de suite les vers suivants :

« Dans le bassin j’ai vu l’argent candide, et mes yeux se sont enivrés de lait.

« Une gazelle a captivé mon âme sous l’ombre de ses hanches, quand de ses doigts joints a glissé son histoire.

« Oh ! que n’ai-je pu me changer en onde pour caresser cette délicate histoire qui glisse, ou me changer en poisson pour une heure ou deux ! »

Le khalifat ne chercha pas à savoir comment Abou-Nowas avait pu donner à ses vers une signification exacte, et le rémunéra largement pour lui prouver sa satisfaction.


— Puis Schahrazade ajouta : « Mais ne crois point, ô Roi fortuné, que cette finesse d’esprit d’Abou-Nowas ait été plus admirable que sa charmante improvisation dans l’anecdote que voici :