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aventure du poète abou-nowas
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Lorsque Abou-Nowas vit, assise sur le lit et tout de satin bleu habillée et le visage recouvert d’un léger voile de soie bleue, l’adolescente aux grands yeux noirs qui souriaient de sa mine, il se sentit dégrisé, mais, par contre, il fut enflammé d’enthousiasme et, inspiré sur l’heure, il improvisa cette strophe en son honneur :

« Dis à la belle au voile bleu que je la supplie de compatir à quelqu’un que brûle le désir de sa beauté. Dis-lui : « Je t’adjure, par la blancheur de ton beau teint que ne valent ni la tendre rose ni le jasmin, je t’adjure, par ton sourire qui fait pâlir perles et rubis, de me jeter un regard où je ne puisse lire la trace des calomnies que sur moi mes envieux ont inventées ! »

Lorsque Abou-Nowas eut fini son improvisation, l’adolescente présenta un plateau de boissons au khalifat qui, voulant s’amuser, invita le poète à boire tout seul tout le vin de la coupe. Abou-Nowas s’exécuta de bonne grâce et ne tarda pas à ressentir sur sa raison les effets de la liqueur enivrante. À ce moment, il prit fantaisie au khalifat, pour faire peur à Abou-Nowas, de se lever soudain et, le glaive à la main, de se précipiter sur lui en faisant mine de lui couper la tête.

À cette vue, Abou-Nowas terrifié se mit à courir à travers la salle en jetant de grands cris ; et le khalifat de le poursuivre dans tous les coins en le piquant de la pointe du glaive. Puis il finit par lui dire : « Soit ! reviens à ta place boire encore un coup ! » Et, en même temps, il fit signe à l’adolescente de