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les mille nuits et une nuit

lune dans son plein et dont la chevelure éployée était le seul voile.

À cette vue, le khalifat, charmé à l’extrême, prit la tasse qui surmontait le goulot de la cruche, la remplit de vin et formula en son âme : « Aux roses de tes joues, adolescente ! » et la but lentement. Puis il se pencha sur le jeune visage et déposa un baiser sur une petite envie noire qui souriait sur le coin de la lèvre gauche.

Mais ce baiser, quelque léger qu’il fût, réveilla la jeune femme qui, reconnaissant l’émir des Croyants, se leva vivement sur son séant, pleine d’effroi. Mais le khalifat la calma et lui dit : « Ô jeune esclave, voici près de toi un luth ! Tu dois certes savoir en tirer des accords charmants. Comme j’ai résolu de passer cette nuit avec toi, bien que je ne te connaisse pas, je ne serais pas fâché de te voir le manier, en l’accompagnant de ta voix ! »

Alors la jeune femme prit le luth et, l’ayant accordé, en tira des sons admirables sur vingt-un modes différents, si bien que le khalifat s’exalta à la limite de l’exaltation, et la jeune femme, s’en étant aperçu, ne manqua pas d’en profiter. Elle lui dit donc : « Je souffre, ô commandeur des Croyants, des rigueurs de la destinée ! » Le khalifat demanda : « Et comment cela ? » Elle dit : « Ton fils El-Amîn, ô commandeur des Croyants, m’avait achetée il y a quelques jours pour dix mille dinars afin de te faire cadeau de ma personne. Mais ton épouse Sett Zobéida, ayant eu connaissance de ce projet, remboursa à ton fils l’argent qu’il avait dépensé pour mon achat, et me remit entre les mains d’un eunuque noir